Racisme: il est temps d'agir

Déborah Cherenfant est présidente de la Jeune Chambre de commerce de Montréal (JCCM)

La mort de George Floyd défraye la chronique depuis le 25 mai dernier. Symbole de la haine raciale à son paroxysme à l’heure où la xénophobie continue de sévir aux États-Unis, ce meurtre s’est déroulé devant les caméras des téléphones intelligents et en direct sur les réseaux sociaux. Le drame ne laisse personne indifférent et soulève la question de la brutalité policière et du racisme systémique, mais aussi de la condition des Noirs dans nos sociétés. Manifestations et émeutes ont eu raison des précautions liées à la pandémie de la COVID-19 dans cette affaire qui mobilise un élan de solidarité au Québec, au Canada et dans le monde entier.

Marie Grégoire a discuté avec Déborah Cherenfant pour faire la part des choses.

Entrevue de Marie Grégoire | Texte de Annie Bourque

Le meurtre de George Floyd a créé une onde de choc. Comment as-tu vécu la nouvelle?

La première semaine, j’étais dans tous mes états. C’est très difficile à vivre psychologiquement. Je me disais : ce n’est pas vrai que les États-Unis vivent encore ça. La nouvelle du décès du George Floyd m’est parvenue le jour de mon anniversaire, le 25 mai, alors le drame m’a touchée de manière personnelle.

Affaire Floyd: « ce n’est pas vrai que les États-Unis vivent encore ça. » - Déborah Cherenfant, présidente de la Jeune Chambre de commerce de Montréal

Et aujourd’hui?

Je me réjouis du soulèvement actuel et du ras-le-bol de certaines personnes. Pas seulement des Noirs. Les gens comprennent l’injustice. Enfin. Combien de fois a-t-on lu des rapports et des enquêtes sur le sujet, autant de rapports qui dorment dans les tiroirs sans jamais atteindre la portée nécessaire à une prise de conscience. Plusieurs se sont réveillés. Mais maintenant, il faut agir. Qu’est-ce qu’on fait? Qu’est-ce qu’on propose? Quelles sont les mesures concrètes? Par exemple, ce ne sont pas les gens de Minneapolis qui vont proposer des solutions pour faire place à plus de diversité dans les sphères décisionnelles à Montréal. Je compte travailler avec une équipe pour faire valoir ces points au sein d’une table de concertation.

« Plusieurs se sont réveillés. Mais maintenant, il faut agir. » - Déborah Cherenfant, présidente de la Jeune Chambre de commerce de Montréal

François Legault refuse de parler de discrimination systémique. Il parle d’une révolution tranquille et d’une évolution tranquille. Est-ce que son message va suffisamment loin?

Ce message ne va pas loin, mais ça évolue dans le bon sens. Le premier ministre prend conscience de l’ampleur du mouvement. Son équipe lui a peut-être mis sous les yeux le cas de plusieurs témoignages ou études qui donnent l’heure juste. Je suis convaincue que ces paroles relèvent d’un enjeu de sémantique. On avance dans la bonne direction au Québec avec cette prise de conscience.

Si tu avais à conseiller le premier ministre, quelle serait la priorité pour aller plus loin que la réflexion?

Je pense qu’on doit être en mode écoute, en mode recul et en mode consultation pour que la prise de conscience soit collective. Il faut organiser une consultation publique pour faire entendre tous les témoignages et les perspectives qui se superposent. Il y a ceux qui se sentent discriminés et ceux qui sont soupçonnés de faire de la discrimination. Il faut mettre en évidence aussi l’aspect inconscient pour trouver les failles. Est-ce que ce sont les politiques en place qui favorisent le racisme? Est-ce que les dirigeants prennent des décisions biaisées? Il y a des partis pris inconscients et des préjugés conscients qui sont entretenus dans la société et il faut les nommer. Ne pas mettre des mots sur les stéréotypes, c’est adopter la politique de l’autruche. La consultation va permettre une prise de conscience collective de fond.

Ça ressemble au combat que mènent les femmes. Autour d’une table, s’il y a une plus grande diversité, le dialogue est meilleur.  

Oui, ce type de conversation donne l’occasion d’exposer la pluralité des expériences et des compétences. Ça devient essentiel et les retombées sont larges. Dans les processus d’embauche, les responsables du recrutement devraient suivre une formation pour développer les bons réflexes. C’est bien une évolution rapide dont on a besoin.  


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Annie Bourque