Agences de communication : rester au Québec pour de bon

 

Mise à jour le 12 mai 2021 - Le Regroupement des firmes de services professionnels indépendantes (RFSPI) été lancé au début de la pandémie pour fédérer les acteurs économiques du secteur à propriété locale. En février dernier, Delphine Béné faisait le tour de l’enjeu de la propriété locale pour les agences de communication et de marketing dans E-Premières. On apprenait la semaine dernière que la propriété de la firme Cossette revenait partiellement au Québec grâce à une transaction récente appuyée par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). À La lumière des derniers développements, la rédaction refait le point avec Manon Goudreault de dada, Vicky Boudreau de bicom et Julie Dubé de lg2. 

Déborah Levy

Les agences dada communications, bicom et lg2 figurent au dernier Palmarès des entreprises au féminin de Premières en affaires et font partie du Regroupement des firmes de services professionnels indépendantes (RFSPI). En affaires et dans le milieu des agences, le local est une tendance durable de ces trois cheffes de file. 


Liens de confiance et cercle vertueux 

Manon Goudreault 

J’ai lancé mon entreprise en décembre 2010 et j’ai émis ce souhait de demeurer à propriété québécoise dès le début. Mon associée Andréanne Poitras, a rejoint l’agence il y a quatre ans avec les mêmes valeurs. Pendant les sept premières années, j’ai décidé de rester sous le radar. J’ai voulu mettre en valeur les clients et non l’agence. C’était une décision réfléchie, de ne participer à aucun concours, et de se concentrer sur les résultats pour nos clients. Par la force des choses, dada est plus visible depuis quatre ans. On a des projets plus importants maintenant, mais on continue de mettre de l’avant les résultats et de miser sur les indicateurs de performance plutôt que la visibilité. 

« Pendant les sept premières années, j’ai décidé de rester sous le radar. »
— Manon Goudreault, dada communications.

On parle de manger local depuis plusieurs années. Depuis 13 mois, on parle aussi des firmes de services professionnels qui sont basées au Québec. Avec la pandémie, on remet en question les alliances traditionnelles. La tendance locale se fait sentir partout dans la consommation, des vêtements à l’alimentation, en passant par les services. On sent aussi une volonté de transposer tout ça en entrepreneuriat. La proximité fait la différence dans les relations d’affaires. 

Se joindre au Regroupement des firmes de services professionnels indépendantes (RFSPI), c’est s’engager dans une voie forte et rassembleuse pour relancer l’économie à la bonne cadence, mais aussi pour la pérennité de la société et pour notre avenir collectif. 

Rester local pour une agence, ce n’est pas être protectionniste. C’est une simple question de résultats pour nos clients. Les agences indépendantes n’ont pas le défi de faire patrie d’un holding et ne répondent pas aux attentes de la bourse. On a plus de latitude et de flexibilité, et moins de contraintes bureaucratiques que les grandes sociétés. On peut donc miser sur nos idées et sur la performance de notre créativité. La pandémie a eu un bon effet pour les agences à propriété québécoise. Les grands annonceurs font appel à nous. Les talents sont aussi tentés de travailler pour nous. C’est un cercle vertueux, et je vois difficilement comment la tendance pourrait s’inverser.

dada communications 
Rang au Palmarès
LES ÉTOILES MONTANTES 
Chiffre d’affaires 1 À 5 M$
21 à 50 employés 
11 années d’existence


L’ambition « made in Québec » 

Vicky Boudreau 

Avec mon associée Marie-Noëlle Hamelin, on a lancé bicom il y a 15 ans. On a tout de suite choisi une croissance organique. On a déjà été approchées par des multinationales qui voulaient nous racheter mais on a l’ambition de se développer à l’international pour servir des clients dans les autres pays où ils sont présents. Par le passé, j’ai travaillé avec des marques internationales et ça prend des antennes pour livrer un service impeccable et cohérent dans plusieurs pays. Aujourd’hui, on a des visées internationales, et un plan d’action pour réaliser cette ambition. 

« On a déjà été approchés par des multinationales qui voulaient nous racheter. Aujourd’hui, on a des visées internationales, et un plan d’action pour réaliser cette ambition.  »
— Vicky Boudreau, bicom inc.

Cossette redevient québécoise et c’est vraiment une belle histoire. Voilà un tour de force qui démontre la vision de la CDPQ. Cette transaction est signe que l’industrie conserve une forte valeur ajoutée. C’est une autre bonne raison pour ramener le siège social au Québec. 

Avant que le Regroupement ne soit officialisé, on parlait depuis l’automne 2019 de la pérennité des agences et de la relève. L’enjeu de la revente à des groupes étrangers se posait, mais celui de la rétention des talents aussi. La pandémie a été un accélérateur. On était huit au début de la pandémie, 80 lors de notre première annonce officielle en mai 2020 et on est 260 aujourd’hui.On travaille avec des PDG très influents et la mobilisation fait ses preuves. Quatre mois après les premières annonces, le Regroupement ouvrait sa plateforme transactionnelle pour permettre à des clients de déposer des appels d’offres destinés à des prestataires locaux. 

Ce mouvement répond au besoin d’officialiser certaines préoccupations de la part des acteurs du marché. Au début de la pandémie, j’ai aussi senti le besoin de m’engager dans quelque chose de plus grand que moi et mon entreprise. Il fallait que les gouvernements et les décideurs posent des gestes concrets pour signifier leur attachement au local. Ces démarches ont porté fruit. On trouve dans le budget provincial des mesures visant les politiques du gouvernement en matière d’achat de biens et de services, ce qui est nouveau. Je pense qu’on peut s’attribuer le crédit de ces développements. C’est cohérent avec les annonces et l’engouement pour le local qui ont mobilisé l’attention des médias dans les premiers mois de la pandémie. 

bicom inc. 
Rang au Palmarès 
LES FORCES VIVES
Chiffre d’affaires 5 À 10 M$ 
21 à 50 employés 
14 années d’existence 


La relève du Québec Inc. 

Julie Dubé 

Il y a 30 ans, Sylvain Labarre et Paul Gauthier, fondateurs de lg2, tenaient déjà à garder la propriété locale de l’agence. Ils ont mis au point un plan sur 10 ans pour le transfert de l’entreprise. Il faut agir en amont pour que les repreneurs aient les moyens de faire l’acquisition des agences quand elles deviennent de grandes entreprises. 

Pour devenir des fleurons, les entreprises ont besoin du soutien des donneurs d’ordre et des décideurs. Il y a eu le « Buy American Act », puis toutes les autres pratiques qui rythment les échanges commerciaux en marge des accords de libre-échange depuis des années. C’est aussi une question de logique. Il faut définir et prendre en compte le critère local dans les politiques d’achat. On ne peut plus faire l’impasse sur cet aspect dans les décisions des grands donneurs d’ordre aujourd’hui. On demande à tous les Québécois d’acheter local, c’est donc naturel pour les gouvernements et les décideurs de faire un geste dans ce sens. On crée de la richesse, mais aussi de la valeur sociale à long terme, avec une communauté qui s’entraide. 

« On demande à tous les Québécois d’acheter local, c’est donc naturel pour les gouvernements et les décideurs de faire un geste dans ce sens. On crée de la richesse, mais aussi de la valeur sociale à long terme »
— Julie Dubé, lg2

Un modèle 
En tant qu’agence, on a déjà reçu des propositions de rachat par des groupes internationaux, mais on fait ce qu’il faut pour rester au Québec. Les consommateurs sont conscientisés et font des efforts, alors il faut donner l’exemple pour notre avenir collectif. C’est une question de choix collectif. L’agence lg2 déménage vers l’Écoquartier Angus Angus dans un édifice Leed. On sait, par expérience, que ça aura un impact sur le développement urbain, la vie de quartier et les commerces de proximité, mais aussi sur la philanthropie locale. Ça fait partie de nos motivations. 

Pour que les sièges sociaux restent au Québec, il faut penser la relève en amont plusieurs années avant que cela ne devienne un enjeu. On en est à la troisième génération chez lg2. L’actionnariat des repreneurs est financé à même les profits de l’entreprise. Pas besoin de mettre sa maison ou des biens personnels en garantie. Je fais partie de la deuxième génération de repreneurs et je n’ai jamais eu à faire de chèque personnel. À l’agence, on est 24 associés et 54 % de femmes sur 350 employés. La part de profit des repreneurs va directement financer le rachat des actions. Cela permet aussi de garder les talents dans l’entreprise. 

lg2 
Rang au Palmarès 
LES MOYENNES 
Chiffre d’affaires 10 À 50 M$
200 à 500 employés 
30 années d’existence


 

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Déborah Levy