Cas d'école | L’avis d’Isabelle Le Ber

 

Isabelle Leber dirige l’École d’Entrepreneurship de Beauce. Pour cette gestionnaire, le recrutement n’est pas une affaire de marketing et l’énergie humaine est une clé de prospérité organisationnelle.

Repreneuriat: un levier économique

10 septembre 2024 - Pour la première fois cette année, le repreneuriat a surpassé la création de nouvelles entreprises au Québec. Ce phénomène prend de l’ampleur et a des effets très positifs sur notre économie. Cependant, il présente aussi un grand défi pour l’écosystème qui doit soutenir adéquatement ce genre d’initiative.

Isabelle Le Ber

 

Au Québec, le transfert d’entreprises se chiffre à 26 milliards d’actifs et touche quelque 120000 emplois annuellement. Force est d’admettre que le repreneuriat occupe une place importante dans le paysage économique et qu’il se présente comme une solution probante pour assurer la prospérité économique de la province. Depuis 2015, on remarque une augmentation constante du nombre de repreneurs: 34000 entrepreneurs ont l’intention de transférer leur entreprise entre 2020 et 2025. Le processus de transition est donc enclenché depuis un moment pour bon nombre d’entre eux.

Cela dit, on remarque un manque de cohésion entre les sphères politiques, entrepreneuriales et financières qui peinent à mettre en place des mesures robustes pour non seulement rendre possible le repreneuriat, mais également assurer la réussite de ces transitions. À cet effet, l’exemple du Japon est assez évocateur. Ce pays, qui était jadis une star de la croissance économique, voit son économie ralentie depuis 25 ans en raison d’un manque d’innovation et d’adaptation en matière de politiques et de soutien au transfert d’entreprises. Certes, plusieurs entrepreneurs québécois souhaitent transférer leur entreprise et bon nombre de repreneurs sont prêts à relever le défi, mais encore faut-il qu’ils puissent se retrouver et avoir des outils et des ressources pour bâtir un plan de relève efficace.

Le Québec se situe actuellement à la croisée des chemins. Le repreneuriat a le potentiel de stimuler notre économie et ses acteurs sont prêts à tout mettre en œuvre pour des transitions réussies. Il faut continuer de mettre en place des mesures pour les soutenir dans cette démarche essentielle; c’est tout notre écosystème économique doit prendre part à cette mission.

 

Isabelle Le Ber dirige l’École d’Entrepreneurship de Beauce.

13 mai 2024 - Les termes «richesse humaine», «capital humain» et «people oriented» sont devenus monnaie courante dans nos organisations. Il devient alors primordial de se questionner et de voir comment nous pourrons réellement incarner ce caractère distinctif. Quel terme allons-nous utiliser pour souligner le rôle primordial des gens qui y travaillent? On voit émerger des certifications et des titres comme «employeur de choix» ou «directeur du bonheur». Ce sont autant de tentatives de communication pour exprimer l’importance cruciale des individus dans les petites et moyennes entreprises, les sociétés publiques et les institutions financières. Encore faudrait-il ne pas tomber dans le simple usage marketing de recrutement, car 70% des entreprises québécoises opèrent dans le domaine des services. L’expérience individuelle reste donc centrale, et ce vis-à-vis du personnel et des clients. À l’École d’Entrepreneurship de Beauce, nous sommes guidés par une conviction profonde: le cœur battant de notre institution est constitué de personnes passionnées, dévouées à valoriser l’influence des entrepreneurs sur notre société. Ensemble, nous créons des espaces privilégiés pour des échanges authentiques entre entrepreneurs et catalyseurs de croissance et de transformation pour le Québec.

Ici, le personnel représente à la fois la plus grande force et la charge financière principale; cette charge n’est pas seulement une dépense. En fin d’exercice comptable, quand je remarque que les ressources humaines figurent dans les charges d’exploitation. Pour faire tourner une entreprise, les salaires sont nécessaires. Le bilan comptable ne dit rien sur le capital de l’énergie humaine. Comment équilibrer les besoins en personnel, stimuler l’innovation et maintenir un niveau de service à la hauteur des standards? Il n’y a pas de recette, mais la force d’une organisation réside dans la volonté des salaires de comprendre sa mission et d’avoir de la latitude pour y contribuer. À l’École d’Entrepreneurship de Beauce, on parle donc d’énergie humaine. Une ressource certes renouvelable, mais qui nécessite attention et soins constants. C’est le moteur de toutes nos actions. Ensemble, en nourrissant et en valorisant cette énergie, nous pouvons continuer de faire une différence, d’évoluer et de prospérer. Si cette énergie a un prix, elle a aussi une valeur intangible.

 

Intelligence artificielle: gagner en efficacité opérationnelle

13 juin 2023 - Le recours à l’intelligence artificielle (IA) en entreprise gagne du terrain, et ce, dans de nombreux domaines variés. J’imagine que vous vous dites que ce n’est pas demain la veille qu’un robot prendra votre place de PDG. En êtes-vous si certain ? En Chine, l’entreprise Netdragon s’est dotée d’un robot qui assume les fonctions de PDG. Cet humanoïde, conçu en 2017 par les ingénieurs de l’entreprise, assure la gestion de 6 000 employés. L’organisation est cotée en bourse à Hong Kong et ses succès ne sont pas amenuisés, bien au contraire. Peut-on aujourd’hui, comme entrepreneur·e, lever le nez sur l’IA ? Récemment, j’ai discuté avec une amie entrepreneure qui me disait qu’elle utilisait ChatGPT pour l’aider à rédiger ses offres de services. Elle était donc capable de revenir la journée même avec une offre respectant le contexte et les besoins du client. 

Ainsi, en intégrant l’IA dans leurs opérations, les entrepreneurs semblent pouvoir améliorer leur efficacité opérationnelle, leur productivité et leur rentabilité, tout en offrant des produits et des services qui répondent mieux aux besoins de leurs clients, le tout en sauvant un temps fou ! L’IA ne peut bien sûr pas faire tout le travail, mais elle peut être un bel atout opérationnel lorsque bien maîtrisée.

Nous savons que l’environnement évolue plus rapidement que jamais, que l’écosystème des affaires est complexe et que les entrepreneurs ont beaucoup à faire en termes d’innovation, d’équité, de diversité et bien d’autres. Et si l’IA pouvait nous aider ? Et si nous étions plus performants ? Une chose est sûre, nous devons considérer cette option dès maintenant. Engagez un stagiaire ou un étudiant, certes, mais osez regarder du côté de l’IA pour votre entreprise. Je vous entends me dire : encore un autre outil à considérer. Ou bien : jamais une IA aura votre degré d’intelligence émotionnelle. Encore une fois, en sommes-nous si certains ? Une IA peut contrôler 100 % de ses interventions avec les personnes. Elle est rationnelle, logique, elle a un bon jugement et elle garde son sang-froid en toute circonstance. Elle peut rapidement analyser un problème et proposer des choix.

Je crois aussi que nous avons intérêt, comme société, à nous fixer un cadre pour une IA performante et évolutive, mais tout aussi digne de confiance et responsable.

 

Survivre au transfert d’une entreprise

11 avril 2023 - La majorité des propriétaires de PME comptent céder leur entreprise d’ici 10 ans : plus de 2 000 milliards de dollars en actifs commerciaux sont en cause.

Selon une étude de la FCEI, le plus grand défi auquel se bute un entrepreneur dans sa planification de la relève est la recherche d’un acheteur ou d’un successeur adéquat. À cela, s’ajoutent près de la moitié des cédants qui disent avoir de la difficulté à évaluer la valeur de leur entreprise. Souvent, l’entreprise dépend trop du propriétaire dans ses activités quotidiennes. Tous ces éléments font la recette d’un beau casse-tête pour assurer la pérennité des entreprises. La question est complexe. Le chef d’entreprise manque souvent de distance dans ces situations où se recoupent des dimensions financières, émotionnelles, ou même identitaires. Quand la situation semble sans issue, un accompagnement devient essentiel.

Comme le souligne Laure-Anna Bomal, co-autrice de l’étude de la FCEI, « l’absence d’un plan de relève formel peut aussi déstabiliser les entreprises. Une majorité de propriétaires comptent sur la vente de leur entreprise pour financer leur retraite. S’ils ne peuvent pas la vendre, ils vont devoir reporter leur départ, ce qui peut causer un stress additionnel pour eux, leur famille et leurs employés ». Je ne pourrais pas être plus d’accord. La planification du repreneuriat exige du temps, de la planification et de la réflexion. Mais avant tout, céder une entreprise, c’est aussi miser sur la compréhension intégrale de la situation de toutes les parties prenantes. Il s’agit d’envisager trois ou quatre réalités différentes qui peuvent s’entrechoquer et d’aplanir les angles. Dans un contexte de transfert d’entreprise, avec une multitude de sphères à prendre en compte, une situation simple peut rapidement devenir compliquée.

Par où commencer ?

Peu importe le type d’accompagnement, la première chose que les entrepreneurs et les entrepreneures du Québec doivent mettre en place, c’est un plan. Ce plan permet de garantir la pérennité des entreprises qui représentent le carburant de notre société et de notre économie. Je ne connais aucun chef d’entreprise qui effectue ce travail sans aide, sans consulter ou sans en parler avec d’autres experts. Aller chercher de l’aide, c’est une force indéniable pour les leaders qui osent le faire. Il y a des questions et des réflexions qui peuvent se faire en solo, mais pour aller plus loin et innover, s’entourer des bonnes personnes est un avantage clé. D’abord pour voir plus clair, et aussi pour aller chercher des connaissances. C’est l’apprentissage numéro un que les entrepreneurs et entrepreneures font à l’École d’Entrepreneurship de Beauce. Ne restez pas seuls ! Une personne qui a traversé un processus similaire peut vous faire économiser temps et argent.

L’état de la situation

Comme si ce tableau n’était pas assez clair, les chiffres parlent d’eux-mêmes quant à la situation entrepreneuriale au Québec : plus de 20 % de nos propriétaires ont plus de 60 ans et les intentions de se lancer en affaires sont de plus en plus faibles.

 

Innovation: Les bonnes intentions ne suffisent pas

14 février 2023 - L’innovation est maintenant l’avenue privilégiée par les entreprises du Québec pour contrer la pénurie de main-d’œuvre. C’est ce que révèlent les résultats d’un récent sondage de Léger.

Sur toutes les lèvres depuis quelques années, l’innovation fait certainement partie des préoccupations des entrepreneurs. Et si vraiment 79 % de ceux-ci disent y accorder de l’importance, laissez-moi vous présenter ce que cela devrait vraiment signifier. D’abord, posons-nous trois questions fondamentales. Innovons-nous vraiment en 2023 ? Est-ce suffisant pour notre économie ? Et, dernière question qui me brûle les lèvres depuis un bon moment, comment fait-on pour innover quand nos organisations ont tellement de besoins ?

Avec le manque de main-d’œuvre, la pénurie de certains produits et une chaîne d’approvisionnement perturbée, les priorités s’avèrent de plus en plus limitées. Je ne suis pas en train de vous dire que l’innovation n’est pas importante ; au contraire. Cependant, pour y arriver, le dire n’est pas suffisant. Yves Pigneur, auteur de The Invincible Company, a posé la question suivante lors d’un atelier à Montréal : combien d’heures consacrez-vous chaque semaine à l’innovation ? Sa réponse : si c’est moins de deux jours, ce n’est pas assez. Plus encore, il ajoute que si l’innovation ne relève pas du chef, ce n’est pas pertinent. Et si vous n’avez pas de comité ou de programme pour éliminer les mauvais projets d’innovation, son opinion est la même.

Pas très agréable à entendre n’est-ce pas ? Comme leader, avons-nous deux jours par semaine à mettre à notre agenda ? Manifestement pas ! Cela dit, je me suis imposé une période de deux heures tous les lundis pour réfléchir à l’innovation. J’ai aussi une ressource qui s’occupe de l’innovation à l’EEB, mais qui ne relève pas de moi, et un comité qui évalue les occasions d’affaires et les nouveaux projets. Cela ne correspond pas exactement à ce qui est mentionné plus haut, mais c’était indispensable pour nous d’introduire ces éléments dans notre organisation. En plus de mettre l’innovation à l’ordre du jour, deux autres sujets cruciaux ont été abordés : exceller dans nos opérations et placer les bons joueurs pour innover – les joueurs des secteurs opérationnels ne sont peut-être pas taillés pour la tâche ; ça nécessite d’autres ressources, avec d’autres attributs.

Alors, par où commencer ? Avancez petit à petit, mais avancez vers une culture d’innovation. Le statu quo est impensable. Vous avez un mois ou deux pour préciser et amorcer votre démarche vers une culture d’innovation. Et je dis bien « culture », car vous aurez besoin de gens, de structure et d’une volonté de fer. Réfléchissons, pour conclure, à cette expression qui en dit long : « Les opérations payent les salaires, l’innovation paye la pension. »

 

Apprendre, une aptitude essentielle

17 janvier 2023 - Je me présente, Isabelle Le Ber, présidente-directrice générale de l’École d’Entrepreneurship de Beauce. Je suis originaire de la Rive-Sud de Montréal, mais j’habite la Beauce depuis 1997. Je me décrirais comme une femme audacieuse, exubérante et imaginative. Par-dessus tout, j’adore apprendre. Je ne refuse jamais une occasion d’apprendre.

Saviez-vous que c’est l’une des forces des entrepreneur·e·s ? Toujours apprendre pour s’améliorer. Au Canada, près de 1,2 million de petites et moyennes entreprises (PME) cherchent à croître dans les trois prochaines années. Je suis convaincue qu’apprendre en continu peut mener à la croissance. Pensez-y : apprendre sur soi, apprendre des autres, apprendre sur son marché, apprendre à innover et plus encore.

« Dans le contexte actuel, qu’on pourrait qualifier de difficile, la soif d’apprendre, de s’inspirer des meilleures pratiques et de s’entourer permet aux entrepreneur·e·s de relever les défis. » - Isabelle Le Ber

La valeur de l’apprentissage

Comme entrepreneur·e·s, on sort des sentiers battus, on essaie, on tombe, on s’adapte et on se relève. Savoir apprendre au fil de notre parcours nous permet de nous mesurer à la concurrence, de progresser et de nous développer. Comme en éducation, il n’y a pas de croissance sans apprentissage et une des premières qualités d’un·e leader est la volonté et la capacité de saisir toute occasion d’apprendre.

il n’y a pas de croissance sans apprentissage et une des premières qualités d’un·e leader est la volonté et la capacité de saisir toute occasion d’apprendre - Isabelle Le Ber

La vie d’un·e entrepreneur·e est loin d’être un long fleuve tranquille. Dans le contexte actuel, qu’on pourrait qualifier de difficile, la soif d’apprendre, de s’inspirer des meilleures pratiques et de s’entourer permet aux entrepreneur·e·s de relever les défis.

Mais apprendre exige beaucoup d’humilité, de résilience et de temps. C’est une aptitude qui se travaille et se perfectionne ; plus on la pratique, meilleur on devient. Un·e leader, c’est aussi un être humain en grande transformation, qui se remet constamment en question afin d’être plus agile. Cette constante agilité peut parfois causer des déséquilibres et il n’est pas toujours évident de garder le cap quand la pression est forte.

Entrepreneur·e, pas funambule

On voit souvent sur les médias sociaux des énumérations comme les 12 commandements pour être un·e bon·ne leader. C’est bien beau sur papier, mais si je vous disais que le déséquilibre, c’est aussi ce qui permet d’apprendre ? N’essayez pas d’être des funambules et osez tomber pour mieux vous relever. L’erreur fait partie des apprentissages des grand·e·s leaders de ce monde.